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Dialogues ByOs: Alba Flesler vs. Jacques Lacan

Scénario: Imaginez une salle de classe solennelle et spacieuse au sein de l'École Freudienne de Psychanalyse à Buenos Aires. L'odeur de vieux papier et de bois poli imprègne l'atmosphère. Une longue et sombre table en bois domine l'espace, chargée des notes méticuleusement organisées d'Alba et de copies usées des textes fondamentaux de Lacan: Lituraterre, La Troisième et L'étourdit. La lumière du soleil, filtrant par de hautes fenêtres cintrées, projette de longues ombres, accentuant l'intensité de la scène. Face à face, Flesler, pensive, présente ses hypothèses à Jacques Lacan.


Sur l'enfance


Alba Flesler: "Dans l'enfance, le sujet jouit d'une plénitude imaginaire antérieure au langage, un état où le moi n'est pas encore fracturé par le signifiant."

Lacan: "Il n'existe pas de jouissance 'pure' ni de moi indemne de signifiants. Dès le tout début, l'enfant est déjà traversé par la lettre: chaque mot, phonème qu'il entend introduit une coupure dans son monde, un trou qui fonde son désir. Loin d'une plénitude, ce qu'il y a est une ouverture constitutive à la manque. Ce que j'ai appelé la lalangue en un seul bloc pour marquer que ce n'est pas le système linguistique structuré (« la langue » au sens saussurien), mais un réceptacle de restes sonores, d'équivoques, de fragments agrammaticaux."


Alba Flesler: "Mais cette 'manque' ne s'actualise qu'à l'adolescence; pendant l'enfance, l'enfant vit dans un monde symbolique encore indifférencié."


Lacan: "L'inscription symbolique commence avec la première émission d'un signifiant. Même dans le babillage, la voix de l'enfant fonctionne comme métonymie de son objet a, entraînant déjà des restes du manque qui n'attendent pas (l'adolescence) pour se manifester. Ce que tu appelles l'adolescence, moi je l'appelle position et discours."


Alba Flesler (reconnaissant l'ajustement): "Alors, l'enfance n'est pas un état originel de plénitude, mais la scène inaugurale du trou signifiant, où l'enfant assume très tôt la position d'objet a."

Lacan: "Exact, non seulement dans chaque babillage et jeu enfantin on observe ce vidage de la voix et cette fracture symbolique, car c'est là que s'inscrit déjà l'ex-sistence du sujet."


Sur l'adolescence comme “moment de plénitude”

Alba Flesler: "Je soutiens que l'adolescence est un stade de plénitude subjective, où le sujet abandonne finalement la condition fragmentaire qui le caractérise dans l'enfance et accède à un système symbolique stable."


Lacan: "Non. L'adolescence est un signifiant, elle ne restaure pas une plénitude perdue, mais introduit un signifiant qui fracture la continuité familiale et subjective. Loin de stabiliser, elle ouvre un trou: le sujet s'expose à la manque et au désir qui restaient auparavant voilés."


Sur l'enfant devenu “sujet-signifiant”

Alba Flesler: "Alors, l'enfant devient le nouveau signifiant: sa voix intérieure acquiert automatiquement une valeur symbolique et ordonne le discours familial."


Lacan: "Ce n'est ni automatique ni un simple réordonnancement. L'enfant apparaît comme objet a dans la mesure où la force de son signifiant résonne dans la chaîne familiale. Sa voix, loin d'ordonner, perfore le tissu symbolique et révèle les vides que tout discours comporte."


Sur la voix et la substance

Alba Flesler: "Je considère que la voix lâchée à l'adolescence maintient intacte sa substance émotive, fonctionnant comme un pont entre l'imaginaire et le symbolique."


Lacan: "La voix adolescente se vide de substance pour s'inscrire dans l'opération du signifiant: c'est une métonymie qui entraîne les restes de l'émotion, mais l'essentiel est qu'elle se constitue comme objet cause de désir, non comme simple véhicule émotif."


Sur la vérité et l'usage du subjonctif

Alba Flesler: "Je crois qu'en employant le subjonctif, le sujet juvénile élude la vérité et s'accroche à des formulations vagues."

Lacan: "Le subjonctif ne cache pas la vérité, il la fait apparaître. C'est précisément cette modalité du dire qui suspend la prétention à l'assertion absolue et met en évidence le 'mi-dire', où le sujet se montre dans son ex-sistence."


Sur l'intervention de l'analyste

Alba Flesler: "Je suppose que l'analyste doit se concentrer sur l'interprétation linéaire du symptôme adolescent et soutenir le discours de l'analysant pour restaurer sa cohérence."


Lacan: "Le symptôme est ce qui borde l'axiome, Alba, et l'analyste ne reconstruit pas des cohérences perdues, mais assume la position de ce fragment rejeté —l'objet a— et offre le trou du discours comme point d'intervention. Là, le sujet peut articuler un nouveau lien avec son désir."


Alba Flesler: "Je comprends: la position adolescence introduit un signifiant-trou, l'enfant acquiert le statut d'objet a, la voix fonctionne comme métonymie vidée de substance, le subjonctif révèle l'ex-sistence et l'analyste opère depuis le trou lui-même."


Lacan: "Quelle intuition la tienne, Alba! On dirait presque que tu crois que l'enfant est un jouet symbolique qui n'atteint la plénitude qu'en soufflant les bougies de l'adolescence. Cependant, la réalité est autre: l'enfant est objet et en même temps signifiant —celui qui fait irruption et déclare devant l'Autre— et objet —ce reste de désir que l'Autre n'a pas su symboliser—. Et, bien sûr, ce n'est pas un retour nostalgique à une prétendue plénitude perdue, mais plutôt un séminaire intime où chaque sujet monte son propre spectacle de la manque: une mise en acte du désir qui est, par définition, inachevée et toujours en marche, toujours."


 
 
 

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